Méthodes de travail

Des malfaiteur à la salle du Conseil : l’art de la négociation

Temps de lecture :  4 Minutes

Après une carrière internationale faite de négociations de haute volée et de gestion de crises, Stefan Kühn a décidé de tracer sa propre voie. Une formation en droit à Harvard Law, à la CIA aux États-Unis, à la Metropolitan Police au Royaume-Uni et Stefan fonde International Negotiation & Conflict Resolution Systems (INCS) AG à Zurich, Suisse, où il est PDG et associé. Il nous révèle la face humaine des négociations, depuis le PDG présomptueux au surclassement d’une réservation de chambre d’hôtel — pour le meilleur et pour le pire.

Comment êtes-vous devenu médiateur ?

J’ai commencé lorsque j’ai pris en main l’équipe d’intervention des crises mondiales. Dès que j’ai commencé à travailler dans ce domaine, j’ai été immédiatement séduit. Je savais que j’avais besoin des compétences de recherche et scientifiques qui me permettraient d’approfondir mes connaissances et ma compréhension. 

Comprendre comment traiter les gens a toujours été ce qui m’anime. Rassembler des individus pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes alors que le résultat aurait été moins satisfaisant s’ils avaient travaillé chacun de leur côté, cela me fascine. Et ça, c’est l’essence de la médiation : trouver une solution pour que les parties parviennent à un meilleur résultat.   

Qu’est-ce qui surprend les gens par rapport à votre métier ? 

La plupart des gens pensent qu’ils sont de très bons médiateurs – particulièrement si vous discutez avec des cadres supérieurs masculins de plus de 30 ans. 85 % d’entre eux se voient parmi les 20 % des meilleurs médiateurs dans leur domaine. Il est donc particulièrement difficile de leur faire comprendre durant les formations que ce n’est pas un don – il faut vraiment s’entrainer pour réussir.   

Vous avez été formé auprès de la CIA et la Metropolitan Police, quels enseignements en avez-vous tirés pour votre entreprise ? 

Lorsque vous êtes confronté à un malfaiteur, vous êtes tout de même en face d’un être humain, avec des facteurs déclencheurs et des intérêts. L’objectif est de comprendre au plus vite à qui vous avez à faire. Cela veut dire savoir quelles questions poser pour obtenir un maximum d’informations utiles, quel genre de conversation va le rassurer, comment réorienter une conversation à partir d’une menace directe… 

Dans le monde des affaires, les menaces sont toujours au menu. « J’ai ce rapport d’ici 17 h ou je ne fais plus affaire avec vous ». Ça, c’est une menace ! Comment y répondre ? Ce qui est remarquable, ce sont les similitudes entre ces deux mondes. Chez INCS, nous pouvons passer de l’un à l’autre.    

Est-ce qu’être médiateur professionnel éveille les soupçons parmi les amis et la famille ? 

Les gens posent souvent cette question ! En fait, si vous voulez négocier de manière efficace, il faut être prêt, avoir la bonne tactique et connaître le processus. Dans le privé, je suis Monsieur tout le monde – je ne suis pas en permanence en mode médiateur. Je ne pense pas que j’aurais beaucoup d’amis sinon. Quelquefois, j’embarrasse un peu ma famille. Si je négocie une meilleure chambre dans un hôtel, ma femme et mes filles s’éloignent pour ne pas voir ça. Mais lorsque j’obtiens la chambre, personne ne se plaint, elles ne disent pas « Hum, je préfère celle que l’on avait réservée ! ». Personne ne se plaint du jacuzzi – elles sont juste gênées de le demander.   

Est-ce que le lieu des négociations a une incidence sur les résultats ? 

Bien sûr. C’est une question de psychologie de poids. Cela dépend aussi de votre familiarité avec les lieux. Les gens ont tendance à se sentir plus forts sur leur terrain parce qu’ils ne sont pas aussi stressés. Les déclencheurs varient d’une personne à l’autre. Certaines sont sensibles au bruit, d’autres à la taille d’une salle. Si vous arrivez à profiler votre interlocuteur vous serez peut-être en mesure d’influencer cela. 

Qu’est-ce qui a influencé votre choix de bureau pour INCS ? 

Je me suis efforcé de considérer le point de vue de nos clients potentiels. En fait, je ne suis pas difficile. Je voyage beaucoup et peu m’importe à quoi ressemble mon bureau ou où il se trouve. L’important, pour moi, ce sont les gens qui m’entourent. Donc, j’ai vraiment réfléchi à ce que nos clients recherchent – c’est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi Regus.   

Vous arrivez bientôt au bout des 12 premiers mois d’opération à INCS, quel a été le plus gros défi ? 

Étrangement, lorsque nous formons nos clients, un des biais les plus significatifs que nous examinons est la suffisance. Les gens imaginent qu’ils sont meilleurs qu’ils ne le sont. En fait, même INCS en a été victime. C’est l’adage de la paille dans l’œil du voisin ! 

Nous avons plus de temps que prévu, au départ. Nous espérions des retours d’expérience dans les trois ou quatre premiers mois, mais à présent tout va bien, les choses avancent. Rétrospectivement, nous pouvons rire de ce biais si important à éviter que nous enseignons à nos clients. Heureusement, nous nous en sommes vite aperçus et savions qu’il ne tenait qu’à nous de prendre les choses en main pour que ça fonctionne.   

Stefan Kühn est associé et PDG chez INCS AG (ltd). Il est basé dans nos bureaux à Zurich, en Suisse.   

Les conseils de Stefan : 

1. Soyez fin prêts si vous discutez, négociez ou entamez des pourparlers. Être prêt est l’activité la plus chronophage d’une négociation, et la plus importante, mais trop de gens arrivent à une réunions mal préparés. 

2. Déployez toute votre empathie envers les gens ou les groupes auxquels vous vous adressez. Rappelez-vous que vous parlez à des êtres humains avec leurs propres bagages et points de vue. Les gens sont sensibles à l’empathie que vous soyez d’accord ou pas avec eux.

3. Essayez de trouver ce qui intéresse le plus votre interlocuteur. Normalement, si deux personnes négocient, elles ont des exigences, mais ces exigences sont en quelque sorte une déclaration : la clé réside dans les intérêts sous-jacents.